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Carte blanche : réflexion sur le cordon sanitaire belge

Nous republions ci-bas une réflexion sur la nature et l’origine du cordon sanitaire en Belgique qui nous a été envoyée par un lecteur de BN. Même si nous ne partageons pas l’entièreté des points de vue décrits, nous remercions son auteur pour le travail réalisé.

« sanitaire

(sa-ni--r’) adj.

Qui a rapport à la conservation de la santé publique. Lois, mesures, précautions sanitaires.

Cordon sanitaire, ligne de troupes placées de manière à empêcher toute communication avec un pays infecté d’une maladie contagieuse.1

Les lecteurs excuseront les faibles capacités rédactionnelles de l’auteur qui se livre pour la première fois à un tel exercice d’écriture. Il espère néanmoins qu’ils auront appris des choses qu’ils ignoraient avant la lecture de cet article et qu’ils jugeront les réflexions de son auteur pertinentes.

Depuis l’annonce par la N-VA de leur tête de liste en Brabant-Wallon, Drieu Godefridi, intellectuel et « PhD », comme il aime à le signer à chacun de ses articles dans le journal le « PAN », avec une rare fatuité d’ailleurs, il semble que le « cordon sanitaire » soit revenu au cœur des « débats » (si tant est qu’il y ait encore le moindre débat possible dans l’enfer néo-soviétique belge francophone). En effet, certains journalistes ont fait valoir qu’il serait peut-être temps de mettre un terme à cette curiosité du paysage politique francophone. C’est le cas notamment de de Nicolas de Pape, licencié en sciences commerciales et financières, qui s’est fendu d’un article dans le journal l’Echo au titre assez évocateur : « Le cordon sanitaire est devenu un concept d’un autre âge ».

Remarquons d’abord que l’auteur sous-entend que « le cordon sanitaire », que votre serviteur se répugne à nommer ainsi, lui préférant bien volontiers le vocable, plus précis et moins cynique de censure cosmopolite, était un concept pertinent fut un temps mais que, dans la conjoncture politique actuelle, il est devenu obsolète. En vérité, ce concept était vicié ab initio, dès le départ. Nous sommes conscients que tous les lecteurs de ce site de réinformation ne partagent pas forcément nos inclinations libérales, néanmoins, ils reconnaîtront sans peine que pour un régime qui se prétend démocratique et qui prétend se soucier des libertés individuelles, au premier rang desquelles figure la liberté d’opinion, il est pour le moins insolite que ce « cordon sanitaire » ait pu être institué. Le fait qu’il l’ait été il y a une trentaine d’année n’y change rien. Il n’était pas plus légitime à l’époque qu’il ne l’est aujourd’hui.

Rappelons à nos lecteurs que le fameux « cordon sanitaire », s’il est aujourd’hui un label AOC certifié Belgique francophone pré-communiste, fut une invention… flamande ! En effet, c’est à la suite de la percée électorale du Vlaams Blok, ancêtre du Vlaams Belang, aux élections communales du 9 octobre 1988 que l’idée d’un « cordon sanitaire » est née dans l’esprit de certains hommes politiques flamands. C’est le 10 mai 1989 qu’un accord entre plusieurs partis politiques flamands de l’époque est signé par lequel ces derniers s’engagent politiquement à ne jamais se prêter à la moindre alliance avec le nouveau parti émergeant. Mais c’est à l’occasion des élections législatives et provinciales du 24 novembre 1991 qualifiés par les plumitifs du régime de « dimanche noir » en raison de la nouvelle percée historique de formations politiques « d’extrême-droite » aussi bien au Nord qu’au Sud du pays qu’une véritable Charte, la « Charte 91 », est mise en avant par diverses associations gauchistes appelant les élus des partis du système à ne pas conclure d’accord politique avec les partis nationalistes.

En 1992, le Conseil flamand, ancêtre du Parlement flamand, adopte une motion par laquelle elle condamne le programme en 70 points du Vlaams Blok, le jugeant contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. En 2004, plusieurs composantes du Vlaams Blok sont condamnées pour incitation à la haine raciale, ce qui détermine le parti à changer de nom. Désormais, il répondra au nom de Vlaams Belang, ci-après VB. Néanmoins, le VB continuera d’être – et est d’ailleurs toujours soumis, encore à l’heure actuelle – au « cordon sanitaire », du moins en son volet politique.

S’agissant du cordon sanitaire flamand, ce dernier s’est toujours limité à son volet « politique ». Autrement dit, il est le résultat d’accords politiques intervenus entre les différents partis du système flamand et, à ce titre, il n’a rien de particulièrement révoltant en soi. En effet, dans une démocratie (on peut rejeter la démocratie mais c’est un autre sujet), le fait que des formations politiques décident de former des alliances pour faire échec à leurs ennemis politiques fait partie des règles du jeu. Après tout, c’est littéralement ainsi que les gouvernements sont formés, au gré de coalitions. D’autant que les différents accords conclus entre les partis prenant part à l’alliance sont juridiquement non-contraignant. Si un représentant d’un parti politique de l’alliance viole l’une où l’autre clause de ce petit « traité », il n’encoure aucune sanction. Nous en voulons pour preuve le débat télévisé organisé par une chaîne flamande auquel a participé Georges-Louis Bouchez face à Tom Van Grieken, président du VB en 2022. Hormis les quelques réactions indignées de certains responsables politiques appartenant à une des formations politique ayant signé la « charte de la démocratie » et celles de quelques journalistes de gauche (pléonasme), Bouchez s’en est assez bien tiré et n’a eu à encourir aucune sanction ni aucune poursuite (encore heureux). A la rigueur, il pourrait être démis de ses fonctions au sein de la formation politique, tout dépend des statuts de cette dernière. En somme, le « cordon sanitaire », en son volet politique, et en son volet politique seulement, n’a rien d’antidémocratique ni rien de contraire aux principes libéraux classiques. Là où le bât blesse, c’est lorsqu’on se penche sur le volet « médiatique » de ce cordon sanitaire.

Suggestion d’ordre terminologique et métapolitique de votre serviteur : présenter le volet politique et médiatique de ce cordon comme étant de même nature, car étant les deux parties d’un même tout est un tour de passe-passe qui profite à nos adversaires car il tend à faire accroire que si l’un est légitime, alors il n’y a pas de raison de rejeter l’autre. Ainsi, il me paraît nécessaire de parler, en lieu et place d’un « cordon sanitaire politique » d’une « alliance des partis cosmopolites » tandis qu’il faut parler, en lieu et place du « cordon sanitaire médiatique » de la « censure exercée par l’oligarchie cosmopolite ». Qu’importe les vocables employés, du moment que ces derniers ne laissent pas entendre que les deux seraient liés alors que tout les oppose puisque l’un n’est que le résultat du jeu des alliances entre partis politiques, qu’on ne peut rejeter qu’à condition de rejeter la démocratie tandis que l’autre est une censure exercée par l’oligarchie cosmopolite afin de réduire au silence tout adversaire politique, qui est scandaleuse pour toute personne attachée à la vraie démocratie et non à sa copie frelatée dont se réclament nos adversaires politiques cosmopolites.

Soulignons que les partis belges francophones ont, eux aussi, conclu des alliances entre partis cosmopolites (ci-devant cordon sanitaire politique), en signant la « charte de la démocratie » – sous-entendant en fait ici que leurs adversaires ne seraient pas démocrates, ce qui est une inversion accusatoire, mais passons – en 1993. Cette dernière a été réactualisée plusieurs fois par la suite en notamment en 1998, en 1999 où elle sera complétée par un code de bonne conduite des mandataires politiques, en 2002 et enfin, en 2022. Cette charte, à l’instar de son pendant flamand, n’est pas juridiquement contraignante.

Pour en revenir à la censure exercée par l’oligarchie cosmopolite, ci-devant « cordon sanitaire médiatique », cette dernière est une exclusivité belge francophone (cocorico !). En effet, elle est née d’une initiative de la RTBF qui décida de son propre chef de ne plus inviter certaines personnalités politiques jugées hostiles aux principes démocratiques et tout le toutim. Cette politique de la RTBF, chose hallucinante, est validée par le Conseil d’Etat, Cour suprême de l’ordre juridictionnel administratif, en 1999. La justice autorise donc la RTBF, chaîne du service public francophone financée par les deniers publics donc virtuellement par tous les Belges francophones, à mener une politique de boycott des personnalités qu’elle juge de façon discrétionnaire indignes d’exprimer leurs opinions sur ses ondes. La RTBF mène le bal dans cette politique de censure et sera bientôt rejointe par tous les media francophones audiovisuels et de presse écrite. Comment expliquer que le secteur privé ait pu volontairement se laisser entraîner sans broncher dans cette politique de censure ? Réponse : parce qu’il n’y a pas (plus) de presse libre en Belgique francophone, cette dernière étant dans une situation de dépendance financière vis-à-vis de l’Etat. Ces media privés sont en effet lourdement subsidiés par la Communauté française. Leurs choix éditoriaux sont conditionnés par leur soumission au cosmopolitiquement correct. Ainsi, ils rentreront vite dans le rang lorsque la RTBF décidera d’exercer la censure contre les personnalités émettant des opinions contraires au cosmopolitiquement correct. Enfin, et c’est ici que le scandale atteint des sommets, cette censure médiatique obtiendra, en 2012 un statut légal. Jusqu’alors, cette censure, à l’instar du cordon sanitaire politique, n’avait pas de force obligatoire, elle n’était pas juridiquement contraignante. Autrement dit, si un media francophone décidait en dépit de la politique menée par la RTBF et validée par le Conseil d’Etat, d’inviter envers et contre tout une personnalité politique « sulfureuse » (en Belgique francophone, on est sulfureux quand on est à la droite de Staline), il n’encourrait aucun risque de poursuite, ni aucune sanction. Depuis un règlement rendu par le Conseil d’Avis du Conseil supérieur de l’Audiovisuel et approuvé par la Gouvernement de la Communauté française en 2012, la donne a changé. Désormais, tout media invitant « des partis liberticides prônant notamment le racisme, le négationnisme ou la discrimination » (sic) en période électoral peut se voir sanctionner par le CSA.

En résumé, il existe un « cordon sanitaire politique » aussi bien au Nord qu’au Sud du pays. Néanmoins, en raison de l’essence même de la démocratie, particulièrement dans un système proportionnel où les gouvernements se forment grâce à des coalitions de différents partis, il n’est en soi pas anormal que des alliances et autres accords puissent être conclus entre ces derniers. Par ailleurs, ces alliances n’ont aucun caractère juridiquement contraignant.

En revanche, le « cordon sanitaire médiatique », quant à lui n’existe qu’en Belgique francophone pour la raison que les partis exclus du cordon sanitaire politique ont acquis un poids électoral tel, au Nord du pays, qu’ils ont aussi placé des membres de leur parti au sein des conseils d’administration des media du service public de tel sorte qu’il est impossible de les exclure du champ médiatique. Ce n’est pas le cas au Sud du pays où jamais un parti d’« extrême-droite » n’a réussi à dépasser un seuil d’électeurs lui permettant d’accéder au conseil d’administration de la RTBF. Non seulement il existe un « cordon sanitaire médiatique » en Belgique francophone, mais ce « cordon » a reçu force obligatoire, donc un statut légal qui autorise le CSA à sanctionner les media qui contreviendraient aux exigences du règlement. Ce cordon-là, à l’inverse de l’autre, est quant à lui particulièrement scandaleux et honteux en ce qu’il viole ouvertement le principe du libre débat démocratique.

Poussons notre réflexion un cran plus loin. Et si, au fond, cette histoire de cordon sanitaire, agitée par la gauche pour provoquer la colère de la droite, n’était qu’une impasse, un cul-de-sac politique. Car après tout, dans la mesure où, comme nous l’avons vu, le « cordon sanitaire politique » est légitime, bien que ce vocable soit connoté péjorativement, il n’y aurait donc qu’à se débarrasser du cordon sanitaire médiatique dont le principe est quant à lui vraiment scandaleux et contraire à la vraie démocratie et au libéralisme.

Seulement, aurait-on fait progresser la cause de la liberté dans le goulag à ciel ouvert qu’est la Belgique (francophone, en particulier) en se contentant de se débarrasser du cordon sanitaire médiatique ? Certes, mais c’est largement insuffisant. C’est insuffisant car il existe des lois qui, elles, sont vraiment scélérates et qui, elles, ne concernent pas exclusivement les partis politiques et leurs mandataires mais tous les citoyens belges autant qu’ils sont. Les auteurs de la « Charte de la démocratie », cette fameuse charte évoquée plus haut qui sert de fondement au cordon sanitaire dans le paysage politique francophone (au cordon sanitaire en son volet politique plus précisément) ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. En effet, ces derniers invitent « tous ceux qui adhèrent à cet engagement à signer et faire connaître cet appel en vue de signifier expressément (…) ; 2. Son adhésion aux principes contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que dans la Constitution, et plus particulièrement aux principes contenus dans les lois du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale et du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et contre les discriminations entre les femmes et les hommes ; ».

Ils citent nommément les différentes lois qui servent de véritable fondement idéologique, politique et médiatique à la coutume du « cordon sanitaire ». En effet, sans ces lois, la force du « cordon sanitaire » serait considérablement amoindrie. Comment nos adversaires pourraient-ils faire valoir l’exclusion du débat public des personnalités dont les opinions peuvent être exprimées librement sans risquer de faire encourir à leur auteur des poursuites et des condamnations pénales ? Ils auraient toutes les difficultés du monde à évincer leurs adversaires du débat public sans l’existence de telles lois.

De fait, c’est essentiellement grâce à ces lois que nos adversaires peuvent justifier l’existence même du « cordon sanitaire » (aussi bien en son volet politique que médiatique). C’est pourquoi, nous affirmons que tout homme politique appartenant à la droite belge francophone ou néerlandophone prétendant lutter contre le « cordon sanitaire » est le dernier des imposteurs s’il ne réclame pas également et avant tout l’abrogation pure et simple de toutes ces lois ayant introduit le délit d’opinion en droit belge, qui servent de fondement politique et idéologique au « cordon sanitaire » Loi « Moureaux », loi de 1995 et les deux lois de 2007, si on est sincèrement attaché à la liberté d’opinion, on ne doit pas hésiter un seul instant : ces lois doivent disparaître de l’ordre juridique belge. S’en prendre au « cordon sanitaire » seul, c’est s’attaquer aux conséquences en ignorant les causes. Les hommes politiques de droite qui font mine de vouloir se débarrasser du « cordon sanitaire » sans émettre la moindre critique à l’encontre de ces lois liberticides le font soit par ignorance, soit par lâcheté intellectuelle, soit, ce qui est le plus condamnable, parce qu’au fond, ils valident le principe de ces lois.

Mention spéciale pour la buse politique totale qu’est Georges-Louis Bouchez qui, bien que se prétendant libéral, non seulement valide le principe du cordon sanitaire (et des lois liberticides susmentionnées) mais désire carrément l’étendre au PTB et à l’extrême-gauche en général ! Peut-on se figurer plus piètre représentant du libéralisme en Belgique francophone ? »

Bauglir

  1. Dictionnaire Littré

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