Selon l’historien Bernard Lugan, « La Belgique n’a pas pillé le Congo »
La récente déclaration du roi Philippe exprimant ses regrets pour le passé colonial belge a suscité nombre de réactions. Parmi elles, celle de Bernard Lugan, historien de formation et spécialiste de l’histoire africaine, se démarque particulièrement :
« Le mardi 30 juin 2020, pliant à son tour sous l’air du temps, le roi des Belges a présenté « ses plus profonds regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo ». Des « regrets » qui n’avaient pas lieu d’être. Pour au moins quatre raisons principales :
1) En 1885 quand fut internationalement reconnu l’État indépendant du Congo (EIC), les esclavagistes zanzibarites dépeuplaient tout l’est du pays. Dans cette immense région, de 1890 à 1896, au péril de leur vie, de courageux belges menèrent la « campagne antiesclavagiste ».
2) Dans le Congo belge les services publics fonctionnaient et des voies de communication avaient été créées à partir du néant, tant pour ce qui était de la navigation fluviale, que des voies ferrées, des aérodromes ou des ports.
3) La Belgique n’a pas pillé le Congo. A partir de 1908, les impôts payés par les consortiums et les privés furent en totalité investis sur place.
4) Parmi toutes les puissances coloniales, la Belgique fut la seule à avoir défini un plan cohérent de développement de sa colonie en partant d’une constatation qui était que tout devait y être fait à partir du néant.
Il y eut une période sombre dans l’histoire de la colonisation belge, avec une politique d’exploitation fondée sur le travail forcé et dénoncée en 1899 par Joseph Conrad dans son livre « Au cœur des ténèbres ». Mais ce ne fut qu’une parenthèse de quelques années. A partir de 1908, le Congo rentra en effet dans l’Etat de droit et ses ressources ne servirent plus qu’à sa mise en valeur. »
Source : TvLibertés
Je n’y ajouterais que les conditions dans lesquelles les « grandes puissances » de l ‘époque ont consenti à confier un territoire (aux frontières encore floues) à Léopold II en 1885.
Les pays présents à Berlin se partageaient l’Afrique, terra incognita, comme on divise un gâteau, et le bassin du Congo se situait au beau milieu des colonies de ces grandes puissances.
Léopold II n’a pas eu le choix : l’Acte Général de la Conférence de Berlin du 26 février 1885, en son chapitre premier, comprend toutes les conditions imposées au départ par les autres “puissances” coloniales:
“Le commerce de toutes les nations jouira d’une complète liberté” (article premier)
“Tous les pavillons, sans distinction de nationalité, auront libre accès…” (article 2)
“Les marchandises importées … resteront affranchies de droit d’entrée et de transit” (article 3)
En d’autres termes, le territoire qui deviendra “propriété personnelle” de Léopold II est ouvert à tous.
Or, à l’époque, avant l’invention des deux extorsions de fonds actuellement pratiquées avec ardeur par les Etats (impôt sur le revenu et taxe sur la consommation), les revenus des Etats provenaient essentiellement des droits de douane.
Léopold II se voyait donc “propriétaire” d’une maison ouverte à tous, où chacun pouvait se servir sans payer, squatter sans payer de loyer.
Impossible dans ces conditions d’assurer les fonctions essentielles d’un Etat (police, armée, justice). Et création d’un gigantesque appel d’air pour tous les voyous du monde entier, attirés par un nouveau Far West sans shérif.
On peut reprocher beaucoup de choses à Léopold II, mais sa plus grande faute a peut-être été d’accepter un territoire à des conditions qui le rendaient ingouvernable. Fallait-il qu’il soit désireux de sortir de l’étau de la Belgique, un pays étriqué par sa surface et, plus encore, par l’esprit de ses habitants!
La Charte Coloniale de 1908, et la transformation de l’EIC en colonie régie par cette Charte, a rétabli l’Etat de droit jusqu’à sa disparition le 30 juin 1960.
On aimerait bien entendre ce discours dans les médias subventionnés!
L’état indépendant du Congo n’a jamais été une “propriété personnelle” du Roi !